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Les Demandes Auxiliaires dans les Litiges en Brevets devant la JUB : Analyse des Règles et Application Pratique

  • Photo du rédacteur: Simin Dai
    Simin Dai
  • 11 oct. 2024
  • 9 min de lecture

Dans les litiges en matière de brevets devant la Juridiction Unifiée des Brevets (JUB), les demandes auxiliaires (Auxiliary Requests) constituent un outil essentiel pour les titulaires de brevets lorsqu’ils doivent faire face à des demandes reconventionnelles de révocation de brevet. Simin Dai, mandataire en brevets européens chez Reyda IP, fournira une analyse complète de l'applicabilité, des exigences de calendrier, des normes d'admissibilité et de l'application pratique des demandes auxiliaires en s’appuyant sur les règles pertinentes et la jurisprudence. En particulier, nous explorerons comment utiliser efficacement les demandes auxiliaires dans le cadre du Règlement de procédure de la JUB et de l'Accord relatif à une juridication unifiée des brevets (AJUB) pour maximiser la protection des brevets.


1. Règles relatives à l’applicabilité des demandes auxiliaires

La soumission de demandes auxiliaires dans les litiges devant la JUB, en particulier dans le contexte de demandes reconventionnelles de révocation, est régie par la Règle 30 du Règlement de procédure de la JUB. Cette règle précise les exigences et les procédures que les titulaires de brevets doivent suivre lorsqu'ils soumettent des demandes auxiliaires.

  • Règle 30.1 du Règlement de procédure de la JUB :

1. Le mémoire en défense à la demande reconventionnelle en nullité peut inclure une demande de modification du brevet soumise par le titulaire du brevet, qui contient : a) la proposition de modifications des revendications et de la description du brevet concerné, y compris, le cas échéant et lorsque cela est approprié, un ou plusieurs jeux alternatifs de revendications (requêtes subsidiaires), dans la langue dans laquelle le brevet a été délivré ; lorsque la langue de procédure [règle 14, § 3] n’est pas la langue dans laquelle le brevet a été délivré, le demandeur titulaire dépose une traduction des modifications proposées dans la langue de procédure et, lorsque le brevet est un brevet européen à effet unitaire, dans la langue du domicile du défendeur dans un État membre de l’UE ou du lieu des faits de contrefaçon allégués ou de menaces de contrefaçon dans un État membre contractant, si le défendeur le demande ;
b) une explication des raisons pour lesquelles les modifications satisfont les exigences des articles 84 et 123, § 2 et 3 de la CBE et des raisons pour lesquelles les revendications modifiées proposées sont valables et, le cas échéant, des raisons pour lesquelles elles sont contrefaites ; et
c) une indication du caractère conditionnel ou non conditionnel des propositions soumises ; le nombre des modifications proposées, si elles sont soumises à des conditions, doit être raisonnable eu égard aux circonstances de l’affaire.
  • Règle 30.2 du Règlement de procédure de la JUB :

Toute requête ultérieure pour modifier le brevet n’est recevable que si elle est autorisée par la Juridiction.
  • Règle 30.3 du Règlement de procédure de la JUB :

Lorsque d'autres procédures impliquant le brevet objet d'une demande de modification du brevet sont pendantes, le demandeur informe la Juridiction ou l’autorité concernée qu'une telle demande a été faite et fournit les informations requises au paragraphe 1, point a).

De plus, la Règle 50.2 du Règlement de procédure de la JUB précise davantage les demandes de modification de brevet :

Toute demande de modification du brevet contient les éléments visés à la règle 30, § 1, points a) à c) et une explication sur les raisons pour lesquelles les modifications satisfont aux exigences des articles 84 et 123, § 2 et 3 CBE et sur les raisons pour lesquelles les revendications modifiées proposées sont - 43 - valables. La règle 30, § 2 s’applique

Ces dispositions constituent la base des règles régissant les demandes auxiliaires. Les titulaires de brevets doivent spécifier les modifications proposées dans leurs demandes auxiliaires et fournir des explications détaillées pour démontrer la conformité avec les exigences de la Convention sur le brevet européen (CBE), en particulier en ce qui concerne la clarté, la concision et l'étendue de la protection.


2. Exigences d’admissibilité des demandes auxiliaires

Dans les litiges de la JUB, l'admissibilité des demandes auxiliaires dépend non seulement du nombre et du caractère raisonnable des demandes, mais aussi de leur pertinence directe par rapport aux revendications contestées. Selon le jugement dans l'affaire Bitzer c. Carrier (29 juillet 2024, §§18-22), la juridiction a précisé la portée de l'admissibilité des demandes auxiliaires, soulignant que les modifications doivent se rapporter uniquement aux revendications contestées. Les titulaires de brevets ne peuvent pas modifier les revendications non contestées dans la demande auxiliaire.


Norme d’admissibilité : Modifications liées aux revendications contestées

Dans l'affaire Bitzer c. Carrier, la juridiction a statué que :

Les modifications ne doivent porter que sur les revendications contestées.

Cela signifie que les demandes auxiliaires doivent se concentrer exclusivement sur les revendications contestées par la demande reconventionnelle de révocation et ne peuvent pas s'étendre aux revendications non contestées. Cependant, la juridiction a également indiqué que les demandes auxiliaires peuvent introduire des caractéristiques issues de revendications non contestées dans les revendications originales contestées, et de telles modifications restent admissibles. Ainsi, les demandes auxiliaires peuvent renforcer les revendications contestées en incorporant des éléments des revendications non attaquées.

La conclusion clé de ce jugement est que les demandes auxiliaires sont elles-mêmes considérées comme admissibles, mais la juridiction ne traitera que des modifications concernant les revendications contestées.


Règles de la JUB et interprétation

Dans ce contexte, les règles 50 et 30 du Règlement de procédure de la JUB continuent de s'appliquer, précisant les exigences pour les demandes de modification. Ces règles soulignent que les demandes auxiliaires doivent non seulement être liées aux revendications contestées, mais doivent également se conformer aux exigences de la CBE, en particulier à l'article 84 (clarté des revendications) et aux articles 123(2), (3) (interdiction d'étendre l'étendue de la protection ou d'introduire des éléments nouveaux non divulgués à l'origine).

De plus, l'article 76(2) de l'AJUB restreint davantage les bases des décisions de fond :

Les décisions sur le fond ne peuvent être fondées que sur des moyens, des faits et des preuves présentés par les parties ou introduits dans la procédure sur ordonnance de la Juridiction et sur lesquels les parties ont eu l'occasion de présenter leurs observations. 

Cela signifie que l'examen des demandes auxiliaires doit se fonder uniquement sur les éléments de preuve et arguments déjà soumis dans la procédure, et tout nouveau matériel ou argument hors de ces limites ne sera pas pris en compte.


Équilibre entre le nombre de demandes et la portée des modifications

Bien que la JUB permette aux titulaires de brevets de soumettre plusieurs demandes auxiliaires en réponse aux demandes de révocqtion, la juridiction a clairement indiqué dans l'affaire Meril c. Edwards Life Sciences que le nombre de demandes auxiliaires doit être raisonnable. Selon la règle 30.1(c), le nombre de demandes auxiliaires conditionnelles doit correspondre aux circonstances spécifiques de l'affaire et ne doit pas dépasser des limites raisonnables.

Il est également important de noter que même si une demande auxiliaire réussit à défendre le brevet, le titulaire du brevet peut encore devoir supporter une partie des frais de justice. Dans les jugements de Meril c. Edwards Life Sciences et Bitzer c. Carrier, le titulaire du brevet a été tenu de payer 40 % des frais de justice totaux. Par conséquent, les titulaires de brevets doivent équilibrer le nombre de demandes auxiliaires avec les coûts potentiels qu'ils pourraient encourir.


3. Calendrier de soumission des demandes auxiliaires

Le moment de la soumission des demandes auxiliaires est crucial dans les litiges de la JUB. Selon les Règles de procédure de la JUB et la jurisprudence pertinente, l'étape à laquelle un titulaire de brevet soumet des demandes auxiliaires influe directement sur l'admission de ces demandes et leur impact sur le résultat du litige. Les Règles de la JUB précisent les exigences relatives à la soumission des demandes auxiliaires pendant les procédures de première instance, au stade de l'appel et lors des audiences orales. Le calendrier de soumission n'est pas seulement une question procédurale, mais affecte également directement l'efficacité, l'équité et la justice des procédures.


Demandes auxiliaires après la procédure écrite

Selon les dispositions de la JUB, une fois la procédure écrite terminée, la juridiction est prudente lorsqu'elle admet des demandes auxiliaires ultérieures. En règle générale, les titulaires de brevets sont censés soumettre toutes leurs demandes auxiliaires pendant la procédure écrite. Toute demande soumise après cette étape est soumise à la discrétion de la juridiction quant à son admission. Par exemple, dans l'affaire Meril c. Edwards Lifesciences (Division centrale de Paris, 30 avril 2024), la juridiction a admis les demandes auxiliaires soumises après la fin de la procédure écrite. Cela s'explique par le fait que le titulaire du brevet a réduit le nombre de modifications et présenté des offres inconditionnelles, fournissant une explication raisonnable. La juridiction a estimé que cette demande ultérieure trouvait un équilibre entre l'efficacité de la procédure et l'équité.


Demandes auxiliaires lors des audiences orales

La soumission de demandes auxiliaires lors des audiences orales est une question plus complexe. Selon les Règles de procédure de la JUB, bien que les titulaires de brevets puissent, dans certaines circonstances exceptionnelles, soumettre de nouvelles demandes lors des audiences orales, des conditions strictes doivent être remplies. Ces demandes doivent être fondées sur des faits nouveaux ou des arguments qui n'ont pas été anticipés lors de la procédure écrite. Par exemple, dans l'affaire 10x Genomics c. Nanostring (26 février 2024, Cour d'appel), le titulaire du brevet a soumis des demandes de modification lors de l'audience orale. La juridiction a soigneusement examiné les deux facteurs suivants :

  1. Y avait-il une raison suffisante pour ne pas soumettre la demande lors de la procédure écrite ?

  2. La nouvelle demande retarderait-elle la procédure ou causerait-elle un préjudice injuste à l'autre partie ?

Dans cette affaire, la juridiction a statué que si le titulaire du brevet pouvait démontrer que la demande était fondée sur de nouveaux développements ou des circonstances imprévues, la juridiction pourrait admettre la demande en fonction des faits spécifiques. Cependant, si la demande était soumise simplement pour alourdir la charge de l'autre partie ou retarder la procédure, la juridiction pourrait refuser de l'admettre.


Demandes auxiliaires au stade de l'appel

La soumission de nouvelles demandes auxiliaires au stade de l'appel est généralement plus stricte. Selon la règle 222(2) des Règles de procédure de la JUB et l'article 73(4) de l'AJUB :

En principe, de nouvelles demandes, des faits et des preuves ne devraient pas être présentés devant la cour d'appel.

Cela signifie que la cour d'appel examine généralement uniquement les demandes déjà soumises en première instance. Les nouvelles demandes ne sont admises que dans des cas exceptionnels, et le titulaire du brevet doit expliquer pourquoi la demande n'a pas été soumise en première instance. De plus, la cour examinera si la nouvelle demande auxiliaire aurait pu raisonnablement être soumise devant la cour de première instance. Par exemple, dans l'affaire Meril c. Edwards Lifesciences (Division centrale de Paris, 30 avril 2024), la cour a souligné l'importance de la rapidité. Si une nouvelle demande auxiliaire aurait pu être raisonnablement soumise en première instance et que le titulaire du brevet n'a pas agi à temps, la demande pourrait être jugée irrecevable.

En outre, la cour tiendra compte de deux facteurs clés lorsqu'elle détermine si elle doit admettre de nouvelles demandes auxiliaires :

  1. Pertinence : La nouvelle demande auxiliaire a-t-elle un impact direct sur les questions clés de l'affaire en appel ? La pertinence de la demande est un facteur essentiel que la cour prend en compte au stade de l'appel.

  2. Position de l'autre partie : Lors de l'examen de la nouvelle demande, la cour tiendra pleinement compte de l'avis de la partie adverse. Si la nouvelle demande augmente considérablement la charge de la partie adverse ou affecte l'équité de la procédure, la cour peut refuser de l'admettre.

Dans les affaires Panasonic c. OPPO et Panasonic c. Xiaomi (Chambre locale de Mannheim, 27 juin et 4 juillet 2024), la cour a également souligné si les nouvelles modifications étaient nécessaires pour répondre aux arguments soulevés par le demandeur en invalidité. Si ces demandes auraient pu être raisonnablement soumises plus tôt mais ne l'ont pas été, la cour peut refuser d'admettre les nouvelles demandes.


Test d'équilibre pour les demandes tardives

Lorsqu'elle détermine si elle doit admettre des demandes auxiliaires tardives, la juridiction applique généralement un "test d'équilibre" pour garantir l'équité et l'efficacité de la procédure. Ce test évalue plusieurs facteurs clés :

  • Moment de la soumission : La nouvelle demande auxiliaire aurait-elle pu être soumise plus tôt ? Si le titulaire du brevet n'a pas soumis la demande à temps, y a-t-il une explication raisonnable ?

  • Efficacité de la procédure : La nouvelle demande auxiliaire retardera-t-elle la procédure, réduisant ainsi son efficacité ? Si elle est admise, la demande imposera-t-elle un fardeau injuste à l'autre partie ?

  • Raisonnabilité de la demande : La demande nouvellement soumise est-elle directement liée aux questions clés de l'affaire et pourrait-elle avoir un impact significatif sur le résultat de l'affaire ?

Par exemple, dans l'affaire 10x Genomics c. Nanostring, la cour a pesé l'impact des nouvelles demandes du titulaire du brevet sur l'efficacité de la procédure et a finalement décidé de les admettre, estimant qu'elles aideraient à résoudre les questions clés de l'affaire. Dans l'affaire Meril Italy c. Edwards Lifesciences, la cour a jugé que l'alignement des modifications dans différentes procédures ne constituait pas une justification suffisante pour soumettre des demandes tardives. En conséquence, la cour a refusé d'admettre ces demandes.

Le moment de la soumission des demandes auxiliaires influe directement sur leur admissibilité dans les litiges de la JUB. Les titulaires de brevets doivent soumettre les demandes auxiliaires au stade approprié du litige et fournir des raisons suffisantes expliquant pourquoi de nouvelles demandes n'ont pas été soumises plus tôt. Lorsqu'elle admet ces demandes, la cour prendra en compte l'efficacité de la procédure, l'équité et les intérêts de toutes les parties. En particulier lors des audiences orales et des procédures d'appel, la cour applique un examen plus strict aux demandes tardives. Par conséquent, les titulaires de brevets doivent planifier soigneusement le moment de leurs demandes auxiliaires et s'assurer qu'elles sont étroitement liées aux questions clés de l'affaire pour augmenter leurs chances d'être admises.

 
 
 

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